On ne peut pas dire que le temps passe, vraiment, mais il y a des minutes qui s’accumulent derrière les baies par lesquelles on regarde traverser la vie, et qu’il faudrait pouvoir nettoyer. Donner un coup de chiffon, comme semble pouvoir le faire le printemps, facile, qui s’en revient maintenant, avec toute cette débauche d’énergie, de parfums, de vouloir vivre... Tout ça.
Il y a des jours ou j’ai du mal à revenir aux choses humaines, comme l’oubli du quotidien, l’habitude du rien, la tête dans les maux et le coeur qui regarde ailleurs, un couple de chien en pleine action. Il ne faut pas s’en faire. Il faut bien s’y faire. Mais il faudrait pouvoir vivre. Enfin.
Il y a de ces reports de saisons qui donnent de la fébrilité à la chair et rendent sa force au bois, comme au bâton qu’on tend, qu’on a donné naguère juste pour se faire battre. Le sceptre du vrai pouvoir. Celui pour lequel on abdique sans retour mais qui revient sans cesse sous la forme d’un caillou dans la chaussure, d’une mèche rebelle ou d’un écart dans la voix. Un simple tremblement qui ne se remarque pas, mais plus rien ne sonne juste quand l’abdomen aboie.
Qu’on ne s’y confonde pas. Il ne s’agit pas de ça. Ce sont des mots qui se corrompent sans moi. Je sais que tu comprendras.
J’ai peur qu’on se frôle sans même se remarquer, comme à notre habitude. Et on irait lécher les vitrines bien achalandées. J’ai peur que dans l’espace on perde la clef de notre appartement, la date de naissance des enfants, les fêtes à venir qu’on a noté, je le sais, sur un calendrier, et des mégots en tas qui mordent au cendrier. Je crains que le jour vienne pour une joie qu’on aura demandée, et qu’on aille respirer sous le sable.