Des gargouillements du ventre de la cafetière, au matin jeune, et jusqu’au jus d’agrumes vendu en demi-litre et qui se digère mal, rien n’avait à voir avec les pastilles excitatrices aux vitamines et autres substances associées qui me servaient usuellement de réveil matin, avec leur arrière goût d’aliments pour chat et un quelque chose de croquant sous la fine couche sucrée. Une toute petite rondelle molle qui fondait sous la langue en laissant une trace rose. Pas de quoi étouffer un ténia, même arrosé de vin blanc.
Soirée aux contrastes mal définis dans une bouche sombre ouverte dans le sol. Et des traces persistantes. Quelques marches de descente et une masse de chair bardée de clous qui barre la porte de travers. Le taxi ne se posera pas de question ; on fête l’Explosion du Score. C’est déjà une excuse en soi. Propre sur elle, costard cravate. Il aura même cherché à faciliter les transactions, arrosé de biais par la lumière alternative des néons. Des volutes de fumée gagnent déjà la rue et monte au long des gouttières jusqu’au étages sans fenêtre, et le groupe m’entraîne. On fermera la porte.
Tout est confortable, les fauteuils, le cuir rouge, les fluides, enjambements, et on commence à boire, à tomber dans des bras, des hanches. C’est comme au saut de haies. Dans les alcôves, mutualisées, des couples chevauchent la liberté, ensemble, séparés par un mélange douceâtre de champagne et sexe. A la couverture des magasines, on vend des chaînes et des clous, et tout l’attirail des objets communs, la vertu des vis, le port gratuit au-delà du crédit. On s’en fait une nécessité. Du tout venant, du tout mêlé. Epicé. Au final, il y a la descente des marches, sur un demi-étage ; et il arrive, par ici, et comme partout ailleurs, des solitudes un peu acidulées.
Un passage par les tentures. Petit théâtre. Le château de l’araignée. Pas plus loin ni plus proche de la vraie vie qu’une contre allée publicitaire dans une supérette. Même musique d’ambiance. Des étalages mêlés de viandes et d’ustensiles, à tout prendre. On a tout vu, on a tout su, on a tout acheté. Alors, je ne sais toujours pas si je vais me prendre cette douche ou y aller, métro, à pied, puant, et encore habillé, et faire exprès de remettre mes chaussettes de la veille pour me les planter, jambes croisées, résolument sur le bureau en attendant le réveil.
Le café commençait à faire son petit effet par-dessous celui de la cocaïne, et le quart d’heure de fébrilité du bout de la nuit touchait à sa fin, avec ses relents de fatigue fraîchement liftée, un gant humide, bleu, étalé sur la figure. Les fesses sur une chaise de la cuisine, les pieds sur la gazinière et la tête renversée sur le dossier, je fixais à travers les fibres les craquelures du plancher du voisin du dessus en laissant se calciner un reste de cigare sur le bout de mes doigts.
L’ébullition du jacuzzi où se trémoussent deux écrivissent soviétiques entreprises vaillamment par un architecte, dans le civil, et trois australopithèques. Le fond de vinyle rose bonbon ajoute la touche drive-in. Tee-shirt et milk-shake à l’appui. Et puis les reflets inox d’une cuve de machine à essorer au fond alvéolé qui tourne sous l’air chaud jusqu’à en suffoquer. Voilà, j’oublierai tout.
A la fenêtre, on donnait le programme habituel. Levée de gris sur une nuit orange. Traits rouges pour les gens qui s’en vont. Traits blancs pour les gens qui reviennent. Et personne pour y deviner que maintenant j’avais un deuxième trou au cul.