ACTE I : L’ASPIRINE
Amandine - A quoi tu penses ?
Justin - Je crois que j’ai une idée.
Amandine - C’est impossible !
Justin - Pourquoi ? J’en suis capable.
Amandine - Oui, mais sur un coup de chance.
Justin - Pas du tout, la chance ne sourit qu’aux salauds. Moi, je suis bien trop bon.
Amandine - D’où vient-elle, alors, ton idée, du ciel ?
Justin - Peut-être. C’est bien simple, j’ai un truc : je m’ennuie. Souvent et beaucoup. Alors ça me fait les jambes, et la tête.
Amandine - Je vois. Et ça donne quoi ?
Justin - Justement, je ne sais plus maintenant. Avec toutes tes questions, je ne m’ennuie plus. Il faudrait que j’y réfléchisse.
Amandine - Ah. C’est peu être moi qui t’ennuie ?
Justin - non, pas moyen. Je ne me souviens plus.
Amandine - Alors trouve, invente, improvise, mais j’ai envie de quelque chose moi, maintenant.
Justin - C’est bien ma veine. C’est que ça ne se trouve pas comme ça... Tu n’aurais pas un peu d’aspirine ?
Amandine - Elle est nulle ton idée. Effet zéro.
Justin - Bon, alors j’y vais, je suis en retard.
Amandine - Tu m’aimes ?
Justin - ... Non, pourquoi ?
Amandine - Je ne te plais pas ?
Justin - Si, non. Je ne sais pas. Pourquoi tu demande çà, comme çà ?
Amandine - Comme ça.
Justin - Aïe. J’ai vraiment horriblement mal, c’est intenable je t’assure.
Amandine - Dans la pharmacie, avec les boules Quies. Mais je crois bien que je n’en ai plus.
Justin - Ah tiens ? Il faudra en demander à ton docteur alors.
Amandine - Il est vétérinaire.
Justin - Tu as raison. Il te fallait au moins ça.
Amandine - Il s’appelle Nicolas.
Justin - Personne n’est parfait.
Amandine - Il est célibataire.
Justin - Excuse-moi, mais je ne vois plus le rapport.
Amandine - Il m’emmène au cinéma, lui.
Justin - Ca y est : les reproches.
Amandine - Il est très cliché, très chic. Il m’ouvre les portes, celle de sa grosse voiture noire aussi, et partout il s’assoit après moi. C’est autre chose, crois-moi.
Justin - C’est très distingué, tout ça. Alors moi, forcément, je ne suis pas à la hauteur.
Amandine - Oui. Exactement. Toi il faut toujours que tu transformes les grands moments en farce ridicule. Même une rose même pas fanée tu l’offres mal.
Justin - C’est de naissance. Je suis allergique aux cérémonies. Quand je sens venir le dimanche, il me pousse des boutons.
Amandine - Donc, tu n’offres jamais de fleurs.
Justin - J’évite, autant que possible. Question de finances. Ca me coûte cher en médecin, moi.
Amandine - Et moi qui me faisais un plaisir de te plaire.
Justin - Justement. Tu sais, c’est immoral de séduire un homme marié.
Amandine - Il n’a qu’à résister, l’obsédé.
Justin - Un homme, ça ne résiste pas. Les femmes, oui. Elles se font désirer. Mais un homme, ça donne. Même dans le vide, ça donne.
Amandine - Alors, là, tu me désires ?
Justin - Pas pour le moment, non, mais ça pourrait revenir d’un moment à l’autre.
Amandine - Parles pas de bonheur, ça porte malheur... N’empêche que lui, il m’en offre.
Justin - Quoi ?
Amandine - Des fleurs. Et des belles, avec des jolis mots autour, des mots d’amour si tu veux savoir.
Justin - Bien. Comme ça, moi, au moins, je ne te mens pas.
Amandine - Mais tu ne peux pas mentir, toi, tu ne dis rien. Si, tu mens plus que tout le monde : tu mens par omission.
Justin - Il faudrait savoir.
Amandine - C’est tout su.
Justin - Bon. Et si on se mariait ? Là maintenant. Ca te plairait ?
Amandine - Tu es déjà marié.
Justin - Et alors. On ne le dirait à personne.
Amandine - Tu es impossible.
Justin - C’est vrai.