La bassine, c’est le seul endroit où on peut faire, sans honte, le chat avec un pull en laine.
Elle ternit là, sur l’étagère du bas du placard de l’entrée, posée à plat sur une serpillière, entre le ballet brosse appuyé sur le mur et le compteur électrique qu’il aura fallu enclencher pour y voir. Le visiteur y a à peine posé les yeux, distraitement, pendant qu’on expliquait d’une voie monocorde le maniement des anciens réseaux électriques et la position des fusibles, mais voilà qu’elle prend, depuis, une importance grandissante.
C’est l’ustensile d’une femme de ménage. A n’en pas douter. Elles sont les seules à reconnaître l’excellence des bassines carrées de plastique rouge à bords recourbés. Aux rayures verticales sur la face nord, on peut en déduire qu’elle devait porter une alliance et qu’elle ne prenait pas la peine de la retirer pour faire la lessive, ce que n’oublierait pour rien au monde une maîtresse de maison. On devine le tablier à fleurs, le plumeau, mais surtout l’odeur du linge blanc, et de l’assouplissant.
Elle venait tous les mercredis, en début d’après midi. En venant d’on ne sait où, plus haut que la grand rue. Elle accrochait son grand manteau à la tringle de l’entrée et enfilait ses chaussures souples pour être à l’aise. Ensuite, c’était le grand ballet, puis l’aspirateur, un coup sur les rideaux et le tour des carreaux. La vaisselle qui gouttait sur l’évier en gré. La gazinière. Et puis, pour terminer, la lessive qui se fait à la main, juste pour rendre service. Juste pour le plaisir.
Il connaît le manège, l’ordre des événements, le temps des choses, le visiteur, et combien il la comprend. La bassine, c’est le seul endroit où on peut faire, sans honte, le chat avec un pull en laine.